Mercurocrum

 

Le Professeur Spinec n’était pas le seul à partager le secret d’Isidore. Notre voyageur du temps s’était aussi confié à son ami d’enfance, le brave Mercurocrum.

 

Un abîme séparait leurs capacités intellectuelles, mais en sport ils étaient de même niveau. Le 21 juin, ils se souhaitaient mutuellement bon anniversaire. Cette coïncidence les faisait beaucoup rire car elle remettait en cause, s’il en était besoin, la pertinence de l’astrologie.

 

Suite à un traumatisme cranien, le vieux copain d’Isidore avait eu des visions très précises d’une vie antérieure. Sous Jules César, affublé du même patronyme, il était un preux légionnaire. Cette révélation ne le surprit qu’à demi. En effet, depuis la lecture de son premier Astérix, il en avait la secrète intuition. Une thérapeute de ses amies, qui fait autorité dans ce domaine, lui en donna la certitude à l'issue de quelques séances de « rêve éveillé ». Mais, peu désireux de se faire charrier,  il se garda bien d’en parler à quiconque.

 

Deux millénaires auparavant, il s’était laissé séduire par la solde, l’aventure et les perspectives de gloire que lui offraient la carrière militaire. La réalité lui fut un peu moins rose. Sa centurie rejoignit à marche forcée l’Armorique où une poignée d’abrutis n’avait de cesse de perturber la Pax Romana. Leur aptitude exceptionnelle au combat rapproché nourrissait des rumeurs de dopage. Il se disait même qu’un druide à barbe blanche leur mijotait une sorte de potion magique de nature à décupler leurs forces. Il ne faisait pas bon croiser leur chemin lorsque l’on patrouillait dans les forêts armoricaines et le brave commençait à regretter sérieusement la quiétude des bords du Tibre. 

 

 

Hélas, il ne devait plus les revoir. Un matin de printemps, sa route croisa celle d’une espèce de géant qui l’occit d’un coup de menhir, lui offrant ainsi, simultanément, le Grand Voyage et un monument funéraire.

 

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