Du péril des étreintes aquatiques

 

Titouan n’eût pas le temps de mesurer les conséquences de son acte. A peine s’était-il immergé que Naïa, qui n’avait pas cessé de vocaliser, venait se blottir dans ses bras. Comme tout un chacun, à l’heure de la baignade, le navigateur avait vécu de joyeuses et plus ou moins chastes étreintes. Il savait donc ce mélange délicieux de fraîcheur et de volupté. Avec une Sirène, le plaisir était centuplé. Si tant est qu’il y survécut, Titouan se souviendrait longtemps de cette indicible ivresse sucrée-salée.

 

Lorsqu’il reprit ses esprits, il prit enfin conscience du péril de la situation dans laquelle il s’était fourré. Barre amarrée, son esquif avait suivi son cap et se trouvait déjà à un bon demi-mille. Le marin savait qu’au bout de trente minutes d’immersion il était probable qu’il décédât d’hypothermie. Dans une épreuve antérieure de la Solitaire du Figaro, le skipper Alain Gautier était tombé en mer d’Irlande en essayant de dégager une algue qui s’était fichue dans son gouvernail. Il n’avait dû sa survie qu’au passage miraculeux d’un autre concurrent sur les lieux de l’accident. 

 

A chaque fois que le mouvement de la houle le mettait à la crête d’une vague, Titouan scrutait désespérément l’horizon. Mais n’y discernait nulle voile, nulle silhouette de chalutier ou de courrier des Iles. Naïa ressentait confusément son angoisse, mais ne pouvait rien entreprendre pour le sortir de ce mauvais pas. Consciente d’en être à l’origine, elle n’avait plus le coeur à vocaliser.

 

A l’instant où le navigateur, livide et grelottant, s’apprêtait à sombrer doucement jusqu’aux vestiges de la ville d’Ys, il entendit, déchirant le grand silence de la mer d’Iroise, le vrombissement salvateur d’un hélicoptète.

 

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