À la plage

Petite laine sur l’épaule, pantalon de toile grège troussé jusqu’aux genoux, le poète prend son pied.

 

Il flirte avec les vagues. Une à une, elles viennent lui caresser les nougats. Les plus hardies vont parfois jusqu’à lui baigner la cheville. Qu’il a fine et velue. Puis, en se retirant, les coquines lui fourmillent sous la plante. Et lui chatouillent les orteils.

 

Ivre de félicité, le poète se compose une plage à sa démesure. Une plage assoiffée qui boirait l’océan des épaves en vidant leurs poumons par la bouche des rochers.

 

Il imprime son euphorie, pas à pas, sur le sable mouillé. Et ses empreintes sont autant de podoglyphes.

 

Mais les vagues, malicieuses, trouvent amusant de les effacer.

 

Il pourrait bien sûr marcher un poil en amont, hors de leur atteinte. Mais il y perdrait leur fraîche caresse. Et ce délicieux fourmillement, lorsqu’elles s’enfuient sous ses pieds.

 

Laisser son empreinte ou se baigner les ripatons ? Le dilemme est cornélien.

 

Le poète coupe la prune en deux. Un pied dans la vague. Un pied hors de l’eau. Ainsi, le flot n’effacera que la moitié des empreintes. Du moins si la mer a le bon goût de cesser de monter.

 

A-t-elle entendu ce vœu ? Comme si la terre s’était mise à pencher, l’onde lentement se retire.

 

Le poète atteint au Nirvana. Vite, de quoi écrire ! Il se précipite au bar de l’hôtel où l’attendent une plume, un carnet à spirale et une collation. Les métaphores se bousculent dans les effluves du chocolat chaud.

 

Pendant ce temps sur le sable désert, pluviers et chevaliers gambettes s’interrogent : quel original peut ainsi parcourir la plage à cloche-pied ?