Mercurocrum l’ancien

 

Mercurocrum ressemblait vaguement à José, le conjoint de Liliane dans la série télévisée « Scènes de ménages ». Aussi jovial et communicatif que ce personnage, il ne se fit pas prier pour raconter une n-ième fois son Alésia. 

 

« Le jour d’avant, dans les entrailles d’un Urus, les haruspices avaient lu que le combat se solderait par d’innomblables victimes. Comme pour confirmer cette prédiction, la nuit suivante, un disque noir occulta lentement la lune, et lorsque Phébé réapparut, elle était rouge comme le sang de l’ancêtre des bovidés. 

 

Ces fanatiques de Gaulois ayant pris l’initiative des opérations, les nôtres commençaient à se sentir en situation délicate. Mais César, une fois de plus, fit montre de ses exceptionnelles qualités de stratège. Quatre cohortes d’élite et la moitié des cavaliers attendaient à couvert. Dès que les premières intervinrent, les barbares surpris amorcèrent un repli stratégique, mais se retrouvèrent ainsi face à la cavalerie qui les avait pris à revers. 

Pour sortir de ce mauvais pas, le pauvre Vercingétorix ordonna la retraite en bon ordre. Mais ces cons de Gaulois, qui n’avaient pas tout compris, déguerpirent en désordre ! 

 

Nombre de fuyards furent pris ou massacrés. Les survivants se perdirent dans la nature et nous restâmes seuls sur un champ de bataille jonché de cadavres qui attiraient déjà d’immenses nuées de corbeaux.

 

Je faisais partie de la cohorte de Sylvus Rambus, celle qui s’est le plus illustrée. Nous rentrâmes à Rome avec plusieurs centaines de prisonniers. Après le Triomphe de César, chaque légionnaire s’en vit attribuer comme esclaves. Comme je suis hostile à l’exploitation de l’homme par l’homme, j’ai vendu les miens pour m’acheter quelques arpents de vigne dans le Latium. »

 

Isidore avait déclenché sa caméra-espion pour ne pas perdre une miette de cette péroraison, que l’optio centuriae devait avoir apprise par coeur.

 

« Centurion Mercurocrum, on m’a bien renseigné. Non seulement vous êtes un combattant hors pair, mais aussi un excellent orateur. Je croyais entendre un disciple de Cicéron.

— Merci. Vous avez de la chance de m’avoir trouvé. Ma centurie doit se rendre dès demain matin en Armorique où quelques gaulois fanatisés refusent encore la Pax Romana. Il parait qu’ils se battent comme des lions et qu’ils mettent notre garnison en échec. D’où l’appel aux unités spéciales.

 

— Je suis persuadé que vous n’en ferez qu’une bouchée. Tous mes voeux vous accompagnent. »

 

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