Cap sur la Vallée des Fous

 

 

Puissions-nous ici mettre un terme à une vilaine rumeur qui s’est installée chez les humains  depuis la Nuit des Temps ! 

 

Loin de se repaître de la chair des marins ensorcelés par leur chant, les Sirènes sont exclusivement végétariennes et trouvent dans les algues une nourriture aussi variée que saine et abondante. Il est plaisant de constater au passage que ces créatures mal-aimées se révèlent ainsi comme des précurseuses de la mode « Vegan »  , en vigueur chez les Occidentaux du vingt et unième siècle.

 

Sur la minuscule plage où elle avait ses habitudes, Naïa picorait donc quelque fucus, quelque laitue de mer ou autre carragheen, cette petite algue rouge qui avait ses faveurs. Il convenait en effet de prendre des forces avant de s’élancer cap au Sud.

 

Quelque temps auparavant, notre Sirène préférée avait utilisé le smartphone de sa cousine Océane pour en savoir plus sur ce Titouan Le Goff dont elle venait de découvrir le nom sur Ouest-France. Elle y avait appris qu’entre deux compétitions, le navigateur sévissait en Baie de Concarneau, au Centre d'entraînement national pour la course au large, mieux connu dans le milieu sous le sobriquet de « Vallée des fous », et qu’il était domicilié dans un hameau de bord de mer à quelques milles plus à l’Ouest. Que risquait-elle à s’aventurer dans ces eaux, sinon de rencontrer à nouveau cet étrange bipède qui lui avait permis de prendre son envol et de tutoyer les étoiles ?

 

Elle refit donc, en sens inverse, le trajet qu’elle avait accompli la veille, puis continua en direction du Raz de Sein. Les Sirènes ne bénéficient pas du même hydronynamisme que les dauphins, ces surdoués océaniques qui peuvent atteindre 60km/h. Mais leur célérité est comparable à celle des bicyclettes. Soit environ 20 km/h en rythme de croisière, ce qui correspond à un peu plus de 10 noeuds. Elle passa  la Pointe dans la soirée, en empruntant le  passage du Trouziard et rechargea ses batteries dans la crique de Feunteun Aod.

 

 

Dans le même temps, Titouan, après avoir sacrifié aux obligations de com s'apprêtait à appareiller.

 

« Comment tu les a bluffés les journalistes. J'en rigole encore. 

 

— Super. En ce cas, il n’y a aucune raison de s’éterniser ici. D’autant que la brise thermique est au Noroît et que nous pouvons être à la Vallée des Fous avant la nuit. »

 

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