Du CHU de Brest et de la véritable nature de Naïa

 

« Comment allez-vous Monsieur Le Goff ?

— Bien. Merci. Mais... comment suis-je arrivé ici ?

— Vous ne vous souvenez de rien ?

— Si, je suis tombé de mon bateau. J’ai eu de plus en plus froid et j’ai perdu connaissance.

— Et vous auriez dû couler car vous n’aviez pas de brassière. Heureusement pour vous un hélicoptère est arrivé juste à temps et vous avez été hélitreuillé dans une civière flottante. 

— Où suis-je exactement ?

— Au CHU de Brest. Votre température corporelle était descendue à 27°. Nous avons mis tout en oeuvre pour qu’elle retrouve lentement son niveau normal.

— Je ne remercierai jamais assez mes sauveteurs. Comment ont-ils pu me localiser ? 

— Votre voilier désemparé a attiré l’attention d’un chalutier d’Audierne qui l’a pris en remorque et alerté les secours. L’hélicoptère a remonté à basse altitude ce qu’il pensait être sa route et comme la mer était calme, il a réussi à vous repérer. 

— De là haut, ça ne devait pas être évident.

— C'est le moins qu'on puisse dire. Vous devez disposer d’un ange-gardien de haut-niveau.

— Comme Alain Gautier.

— A ceci près que le vôtre n’a pas emprunté la voie maritime, mais est directement descendu du Ciel. 

— Et quand pourrai-je sortir ?

— Dès que nous aurons procédé aux examens. Sans doute en fin de matinée, Attendez-vous à être harponné par les journalistes, s’amusa l’Interne en prenant congé. »

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Si Titouan était encore en vie, il le devait aussi à Naïa. Quand sa température atteignit le seuil critique, incapable d’esquisser le moindre mouvement, la Sirène le maintint à la surface. Lorsque descendit la civière-flottante, elle s’immergea pour soutenir discrètement le navigateur et faciliter la tâche du plongeur-sauveteur. 

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Rassurée sur le sort du bipède qui lui avait fait découvrir une ivresse inattendue, elle adopta la position la plus hydrodynamique possible pour cingler à grands coups de queue vers sa crique favorite, sur la côte Sud-Est de l’île d’Ouessant.

 

Elle y retrouvait de temps en temps ses soeurs et ses cousines, lointaines descendantes d’un mariage contre nature entre un pêcheur de l’île et une Marie-Morgane. Du premier elles avaient hérité les jambes, de la seconde l’aptitude à rester longuement en apnée. 

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Naïa faisait partie de la lignée. Mais une mutation génétique l’avait gratifiée de la queue de son aïeule et de son adaptation à la vie aquatique. De son aïeul, elle avait néanmoins conservé l’usage de la parole et les capacités inhérentes. A l’instant même où l’Interne du CHU de Brest papotait avec Titouan, elle découvrait donc dans le « Ouest-France » (que lui avait passé Océane, sa cousine préférée) la narration de l’hélitreuillage d’icelui. Elle y découvrit aussi que son amant de vingt minutes gagnait sa vie en sillonnant les océans, aussi vite que possible, sur des voiliers de haut de gamme. 

 

 

Cette facette du personnage était loin de lui déplaire et elle n’eut qu’un désir, renouer au plus vite.

 

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