Il n'y a pas que le collège dans la vie

 

En déplacement, je téléphonais à Mylou tous les soirs vers 20H30. Notre dernière communication datait de la veille. Il lui restait donc quelques heures d’insouciance avant de commencer à s’inquiéter. 

 

Tourneboulé par cet épisode abracabrantesque et fermement résolu à le positiver, je n’y avais pas réfléchi une seconde. Si la situation devait se pérenniser, je serais à plus ou moins long terme considéré comme disparu. J’ignorais tout de ce de la procédure mise en oeuvre, mais j’imaginais que ma compagne allait vivre une sacrée galère. Cette perspective assombrit mon après-midi et c’est le moral dans les chaussettes que je rejoignis le domicile de mes parents.

 

« Tu as eu un problème au collège, s’inquiéta Maman.

— Aucun. Au contraire j’ai réussi ma compo de math et j’ai l’impression que j’ai progressé en anglais.

— Alors pourquoi fais-tu la tronche ? Un problème de coeur demanda-t-elle avec un sourire de connivence.

— On peut le dire comme ça, mais bon…

— Ce sont les affres de l’adolescence, mon pauvre Pierrot. »

 

Nous rîmes de concert. Comme je ne voulais surtout pas ternir la soirée de ma jeune maman, dont la rayonnante quarantaine me comblait de bonheur, c’est d’une voie enjouée que je lançais :

 

« Je monte dans ma chambre. J’espère en avoir fini pour le dîner.

— Dis-moi que je rêve ! Quelle magicienne a pu changer mon fils à ce point ?  

— Sérieux M’man, j’ai du boulot.

— Pense à embrasser ta petite soeur qui est en train de souffrir sur un problème de robinets.

— Ah oui. Jacqueline. Je l’avais oubliée celle-là. »

 

 

Je ne savais plus si je frappais ou non avant d’entrer dans sa chambre. A tout hasard, je poussais doucement la porte.

 

« Coucou Jacqueline, parait que t’as des probèmes avec les robinets ?

— Si tu pouvais me donner un petit coup de main, ça me permettrait de descendre jouer avec les copines.

— Que ne ferais-je pour ma petite soeur adorée. Montre-moi ça.

— Ben dis-donc. On m’a changé mon grand frère. T’es amoureux ou quoi ?

— Va savoir. »

 

Si Maman avait rajeuni, elle restait tout de même reconnaissable. Mais il me fallait faire un bel effort d’imagination pour reconnaître dans cette petite boulotte la superbe jument poulinière qu’était devenue ma frangine dans la France de Louane et de M'Bappé. 

 

Du coup je me suis demandé si je reconnaîtrais ma Mylou qui, en cet instant, devait s’apprêter à passer le cap de sa treizième année. Quand nous nous sommes connus, elle en avait déjà vécu vingt et une. Ses parents habitaient à une douzaine de bornes. Une balade de santé pour la bicyclette sans dérailleur que j’avais héritée de mon grand-père.

 

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