Baguenaude en adolescence

 

Je me suis réveillé en érection. Ce n’était pas en soi une mauvaise surprise. Celle-ci venait plutôt de la sonnerie tintinabulante du réveil. Avais-je fait une mauvaise manipe hier soir en changeant de mélodie sur mon smartphone ? Au lieu d’être réveillé par les premières mesures de la Marche Turque, je l’étais par ce timbre stridulant qui me rappelait ma lointaine adolescence et qu’il convenait d’éteindre au plus vite. 

 

Mais où avais-je fourré ce fichu portable ?

 

A tâtons, je saisis enfin l’interrupteur de ma lampe de chevet pour constater que je n’étais pas encore réveillé. Mon rêve érotique avait tourné court. J’étais dans ma chambre d’ado, avec ses posters de voiliers et de pin-up et ce fichu réveil que je m’empressais de museler. Il me suffisait de lâcher prise et je retrouverais bientôt la chambre impersonnelle de l’Ibis où j’avais posé mon sac pour la nuit.

 

« Pierrot, dépêche-toi. Ce n’est pas le moment de rater ta compo de math ! »

 

Maman venait de surgir dans ma chambre. Elle avait cette robe à fleurs qui ne lui allait pas trop mais qui enchantait mon Papa. 

 

« Allez, debout, espèce de paresseux ! »

 

Elle arracha d’un même geste le drap du dessus et la couverture bleue qui m’avait accompagné jusqu’à mon appel sous les drapeaux. Instinctivement je me touchais le bas du ventre pour constater que tout était rentré dans l’ordre.

 

« Pas de souci Maman, j’arrive. J’ai dû faire un vilain cauchemar. »

 

Mes fringues étaient dispersés suivant leur immuable rituel : mon pull et mon jean en vrac sur une chaise, mes soquettes, mon tea-shirt et mon slip à même le parquet. Je me souvenais vaguement les avoir portés lorsque j’étais au collège. Ils m’allaient comme un gant. Je pris le parti de jouer le jeu sans chercher à comprendre les règles. C’est une disposition d’esprit qui m’a souvent tiré d’embarras.

 

 

Dans le miroir de la salle de bain, je découvris le visage imberbe d’un gamin de quatorze ans qui m’était d’autant plus familier qu’il figurait dans notre album photo. En bonne logique, le contact de l’eau froide aurait dû me réveiller pour de bon. 

 

« Ne traîne pas dans la salle de bains. Ton bus passe dans dix minutes. Descends vite prendre ton p’tit déj’. Tu ne peux pas aller à ta compo de math le ventre vide.

— Oui M’man j’arrive. »

 

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